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La galerie d'art
Détail  

DAUMIER Henri Honoré (1808-1879) [Ecole de]

Parade de saltimbanques

Esquisse à l'huile sur toile, circa 1860
34,5 x 25 cm
XIXème
VENDU

Descriptif

Circa 1860. Ecole d'Honoré Daumier. Possible esquisse préparatoire ou copie d'atelier.

Esquisse réalisée à l’huile sur papier marouflée sur toile, réentoilage ancien et châssis XIXe.

D’un format identique à la fameuse Parade de Saltimbanques de Daumier, l’une de ses œuvres les plus célèbres, dont elle peut constituer l’esquisse préparatoire, copie d'époque infidèle et en mouvement de l'oeuvre finale alors inachevée.

Le spectateur pourrait être confronté à l’œuvre primitive. Au premier projet de Parade de Saltimbanques qui figure dans une collection particulière à Paris.
Un projet très abouti où Daumier exprimait un autre point de vue narratif qu’il décida d’assombrir par la suite.

La scène se déroule dans le même village, l’enfant qui joue de la trompette y arbore semblablement l’habit et la coiffe de Pierrot habituellement réservés au clown. Daumier dans ses caricatures de Thiers en affublera par la suite le premier Président de la troisième République.

La mélancolie qui émane des protagonistes, si elle est palpable, est atténuée en regard de l’œuvre finale. Le visage du violoniste, par exemple, est plus plein, moins hâve ; tandis que dans l’œuvre connue Parade de saltimbanques, Daumier accentue les ombres, plonge dans l’obscurité des détails qui figuraient dans la lumière.
Une matrone à l’arrière de l’orchestre qui semble bien vivante dans l’esquisse deviendra plus floue, moins discernable dans l’œuvre finale au point de se muer en affiche. D’autres affiches qui ne figuraient pas d’abord sur le mur en arrière-plan des saltimbanques viendront compléter le décor.

Mais ce qui frappe, c’est le changement de lumière. De brune, terrestre, mate, laissant poindre l’illusion d’une chaleur humaine, l’atmosphère se fait grise, froide, terne, bleutée, diluant tout espoir. Créée en 1860, Parade de saltimbanques appartient aux œuvres de la maturité.
 
Seul le serre-tête de la jeune musicienne au tambour initialement bleu (devenu rouge dans l’œuvre connue) apporte une couleur vive qui étonne.

Nous pouvons citer en exemple deux variations répertoriées existant sur un même thème : « Le Wagon de troisième classe ». 
L’une appartenant à un collectionneur de Boston utilise une manière « claire » ; l’autre qui figure à New York au Metropolitan Museum, recourt au clair-obscur, les traits semblant en outre contourés au fusain.
La différence étant ici qu’il ne s’agit pas d’une variation sur un thème mais sur une même scène avec peut-être plusieurs années séparant  « l’esquisse » de l’œuvre reconnue, ce qui pourrait justifier comme étayer le glissement du point de vue de Daumier.

Même manière « claire » pour les œuvres répertoriées « Le meunier, son fils et l’âne (Glasgow, art gallery) « les petites paysannes », ou encore « Crispin et Scapin » exposé au Musée du Louvre.
L’œuvre que nous présentons, comme précédemment signalé, a fait l’objet d’une restauration qui s’est limitée au support et ne s’est pas étendue à l’œuvre peinte.

Comme si son précédent possesseur avait jugé « sacrilège » la restauration d’un Daumier présumé ; préférant laisser apparaître quelques discrets accidents ne nuisant pas à l’œuvre (sur les bords, la cymbale, ou dans le vide laissé paysager suggérant des arbres entre les spectateurs et les saltimbanques) plutôt que de recourir à une restauration aussi habile ait-elle pu être.

Peinture écaillée sur l’ensemble de la bordure qui contrairement au reste de l'oeuvre n'est pas vernie, conséquence probable d’un encadrement ancien inadéquat. 
 
Une esquisse très intéressante.

 

Biographie

Charles Baudelaire, dans ses Curiosités esthétiques, grand admirateur de Daumier, le décrit en ces mots : « Je veux parler maintenant de l'un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l'art moderne, d'un homme qui, tous les matins, divertit la population parisienne, qui, chaque jour, satisfait aux besoins de la gaieté publique et lui donne sa pâture. Le bourgeois, l'homme d'affaires, le gamin, la femme, rient et passent souvent, les ingrats ! sans regarder le nom. Jusqu'à présent les artistes seuls ont compris tout ce qu'il y a de sérieux là-dedans, et que c'est vraiment matière à une étude. On devine qu'il s'agit de Daumier. »

Honoré-Victorin Daumier, ce fils de vitrier, encadreur et restaurateur de tableaux qui se rêvait poète, marqua autant l’histoire de son siècle qu’il fut influencé par elle. Son œuvre entière en est une vivante peinture.

Né à Marseille, le 26 février 1808, il grandit à Paris. C’est en 1816 que sa famille s’y installe.

Génie précoce, le labeur est inscrit dans son processus de création artistique. Et si aujourd’hui ses œuvres atteignent aux enchères des prix inouïs, déménageant souvent, travaillant sans relâche, sa vie ressembla davantage à celle des saltimbanques qu’il a à plusieurs reprises représentés qu’à l’existence confortable d’un notable de province.

A l’âge de douze ans, le très jeune Daumier est employé comme saute-ruisseau chez un huissier. A treize ans, il est commis chez un libraire du Palais-Royal, proche du musée du Louvre et des marchands d’estampes.

A quatorze, il devient élève d’un ami de la famille, Alexandre Lenoir, peintre et archéologue qu’il quittera bientôt pour s’inscrire à à l’académie Suisse et à l’académie Boudin. Cette même année voit également le dépôt légal de sa première lithographie imprimée chez Engelmann.

Le contexte politique troublé marqué par les révolutions et restaurations successives de la monarchie - (Louis XVIII en 1815, Charles X de1824 à 1830, Louis Philippe de 1830 à 1848, puis de l’empire (Napoléon III, coup d’état en 1851, Second Empire de 1852 - 1870)-, comme autant de remises en question de la liberté de la presse et plus généralement de la liberté d’expression, renforce son goût de la satire politique.

Il a collaboré pendant vingt ans avec le célèbre quotidien fondé par Philipon, Charivari, dans lequel il débute comme dessinateur de presse aux côtés de Balzac qui en était le rédacteur ; Balzac dira de lui : « ce gaillard-là a du Michel-Ange sous la peau. »

Daumier a fréquenté et suscité l’admiration de tous les artistes qui lui étaient contemporains, et illustré les plus grands écrivains de son siècle (parmi lesquels Victor Hugo).

Qu’il soit emprisonné, puis libéré, ou qu’on lui attribue la légion d’honneur (qu’il refusera) il ne laissera personne indifférent.
Il rencontrera Gambetta en 1868.

Caricaturiste et lithographe de génie – la lithographie inventée en 1798 est d’ailleurs presque contemporaine de sa naissance -, son œuvre picturale, plus restreinte, est une suite de chefs d’œuvre à la tonalité plus sociale que politique, et à l’identité technique et stylistique immédiatement reconnaissable.

Il excelle en effet dans le portrait de genre, croquant à l’huile comme à la mine de plomb saltimbanques, joueurs d’échecs, blanchisseuse, émigrants, ou amateur d’estampes. Sortant du magma quelques figures individuées représentatives de leur corporation. Des gens du peuple, des avocats, des passants… Daumier sait jouer du clair obscur et faire jaillir ses personnages d’un fond informe comme esquissé créant une impression de flou. Le chaos de l’histoire est ainsi réfléchi par le flou, l’inachevé qui les nimbe, ou les étouffe.

Il s’éteint le 11 février 1879 dans sa maison de Valmondois, achetée grâce à la générosité de Corot, deux ans avant la promulgation de la loi du 29 juillet 1881 rétablissant la loi sur la liberté de la presse.

Biographie détaillée de Daumier disponible sur le site de l’exposition que la BNF lui a consacré en 2008.