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La galerie d'art
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Détail  

Ecole du Nord baroque, XVIIe ou circa 1700, suiveur d'Annibale Carracci

Orphée et Eurydice hors des Enfers

Aquarelle, plume, sanguine et crayon noir sur vélin
Important cadre d’époque en bois sculpté, d’une essence précieuse
A vue, 19,5 cm x 15 cm. Avec le cadre, 43,5 cm x 39,5 cm
Belle provenance
4 500 €

Descriptif

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Exceptionnel dessin ancien d’une belle provenance, attribué à une école du Nord baroque du XVIIe ou circa 1700 par un suiveur du grand Annibale Carracci ; les visages au tracé d’une infinie délicatesse empruntent à l’esthétique italienne, sensuelle et raffinée. Ce dessin particulièrement abouti, tant par son mouvement que par son coloris, offre une variation fascinante sur l'oeuvre de Carrache représentant Orphée et Eurydice dans son corpus de quinze estampes dénommé "Lascivie". La gravure au burin sur vergé ivoire dans son épreuve du second état a été réalisée en Italie par Carracche, circa 1590-1595, et figure dans les collections du Musée des Beaux-Arts du Canada.
Ce dessin aquarellé s'en inspire tout en inversant le sens de sa composition (probablement fidèle au sens de la composition originale de Carrache avant gravure) ; adoucissant certains sèmes (le feu des enfers est moins dévorant, traits plus agréables et "galants" d'Orphée). Mais déjà dans l'oeuvre du Carrache la lyre d'Orphée avait été transformée en viole italienne du XVIes ou violon.

Couple maudit de la mythologie grecque, Orphée et Eurydice ont la grâce physique des personnages de Véronèse - avec en excédent un trait de romanité. Cependant, la palette chromatique est subtile et réaliste tout en s’inscrivant sans conteste dans l’esthétique baroque (esthétique sensualiste du paradoxe, des courbes et du mouvement). Les variations d’un vert bleuté ou vert-de-gris au rouge chair de la sanguine demeurent doucement « véristes », les tons sont naturels, se mêlant sans conflit au gris de la cendre comme au bistre de la terre. Dessin en tous points maîtrisé, la technique est superbe, les linéaments des personnages d'une grande finesse, les regards sont expressifs, les mains, (où se mesure si souvent l'habileté d'un artiste), délicates.

Le tour de force réside dans la composition contrapuntique très baroque esthétiquement autant que sémiologiquement étourdissante, grâce à la fugue – à la gauche du dessin - d’une éruption volcanique.

La scène se situe après la fameuse descente aux enfers orphique. C’est un dessin en mouvement (mouvement de la cape d’Orphée) mais dont le mouvement est dual : opposition des visages, dualité de l’expression. Eurydice se tourne sans crainte (avec prescience et abnégation ?) vers le feu des enfers (symbolisé par l’éruption) tandis qu’Orphée, tourné vers l’action, fuit le danger avec inquiétude dont ils viennent tous deux d’échapper. Mais tout danger est-il vraiment écarté ?

Cette composition probablement contemporaine du compositeur français versaillais Marc-Antoine Charpentier (Orphée aux enfers, vers 1686) ou lui succédant de quelques années, outre le spectaculaire jaillissement des flammes infernales, la beauté saisissante des corps en mouvement, offre une interprétation particulièrement intéressante de la geste orphique, dans laquelle Eurydice n’est plus seulement une créature passive qu’Orphée tente de sauver des Enfers, et donc de la mort (les enfers dans la cosmogonie grecque n’étant pas consubstantiels de la damnation chrétienne plus tardive).

A l’inverse, Orphée fait preuve de crainte et Eurydice de courage, bravant ce que chacun redoute.

Pour entendre tout à fait cette scène et surtout ce surprenant dénouement, il est nécessaire de rappeler quelques grands traits du mythe d’Orphée, à la fois héros de la mythologie grecque attaché à la musique (représenté par la lyre posée au sol), poète-chanteur et musicien, fondateur de la religion orphique.

Protégé par Apollon, en usant de sa lyre et de son chant, Orphée est capable d’enchanter les bêtes sauvages autant que les créatures surnaturelles (Sirènes, Cerbère, Euménides). C’est en jouant de la lyre qu’il put ramener Eurydice, son épouse, mordue par un serpent, hors des enfers….jusqu’au moment où trahissant son serment à Hadès de ne pas parler ni regarder Eurydice avant d’avoir quitté les Enfers, d’impatience au moment de s’en échapper, éperdument amoureux, il se retourna  vers elle et brisa ainsi son pouvoir inhumain de la ramener de la vie au trépas.

Eurydice fut aussitôt rendue au dieu des enfers.

Orphée par cet acte de désobéissance si humaine retrouva sa condition de simple mortel, rappelant que le pouvoir de la vie et de la mort doit demeurer entre les mains des dieux.

Inconsolable, Orphée rejoignit Eurydice dans la mort. Les versions divergent sur cette dernière : frappé par Zeus, après avoir trahit les mystères des dieux auprès des hommes, ou déchiqueté par des Ménades dépitées de le voir fidèle à Eurydice.

Ici, le contrepoint est porté à l’extrême. L’étrangeté du dénouement est envoûtante.

Orphée n’a pas trahi sa parole envers Hadès et ne se retourne pas vers Eurydice. C’est donc la sagesse plus encore que la crainte qui empreint son visage.

Le peintre a-t-il voulu « clore » cette scène superbe, pleine de grâce, d’humanité et de panache,  par un suspense ? Ou plus radicalement sauver ces héros attachants ? Offrir un séditieux happy-end. Sauver à rebours de la tradition Orphée et Eurydice du destin qui est le leur dans la mythologie grecque, des métamorphoses ovidiennes aux multiples interprétations qui suivront de Charpentier à Gluck, d’Offenbach à Cocteau ? Sauver enfin de la finitude l’amour autant que l’Humanité qu’Orphée et Eurydice incarnent, par le démiurgique pouvoir de la fiction artistique.

Sublime ensemble (précieux cadre d’époque - probablement hollandais ou flamand - en bois sculpté mouluré aux bords irréguliers) dans un bel état de conservation.